dimanche 25 mars 2007

Lors d'un souper qui réunit étudiants et professeurs du petit département de littérature française de l'université de Victoria, chacun discutent, échangent et conversent un verre à la main, grignotant amuse-gueule et petits-fours. L'ambiance est détendue. Je surprends un dialogue entre la maîtresse de maison, elle aussi enseignante au département, et une autre professeure. Cette dernière est française, émigré au Canada depuis plus dix ans. Elle a suivi le cursus honorum du vieux continent : normale sup, agrégation... Elle s'extasie sur la présentation et les délices du buffet. "Moi tu vois je serais in-ca-pa-ble de faire une chose pareille." L'autre, bien sûr, ne peut que contredire "Mais non voyons, c'est trois fois rien! C'est tout simple à préparer je t'assure." "Non mais moi, vraiment, c'est tout simplement im-po-ssible. Je peux faire semblant tu vois, mais ça donnerait rien". La réponse de l'interlocutrice me saisit : "Oui mais écoute il faut bien qu'il y ait une chose que tu ne saches pas faire. Tu es au sommet partout." Je comprends alors le jeu des deux actrices. La condescendance de l'intellectuelle française, l'admiration de la collègue québécoise. Pour une universitaire renommée, dire "je ne suis pas capable de préparer une table d'hôte comme celle-là" c'est constuire une figure extrêmement signifiante et écrasante à l'encontre d'une autre universitaire. C'est dire : "Tu es une bonne chercheuse, tu es une bonne cuisinière. Moi je ne suis pas une bonne cuisinière mais une excellente chercheuse. Et nous savons, toi et moi, que c'est sur ce dernier critère que nous jugeons de notre valeur."

samedi 24 mars 2007

« Vous ne me payeriez pas un spaghetti, mademoiselle? » La même vielle femme qui m'a hantée depuis le jour où j'ai refusé de lui payer un repas - parce que j'étais trop pressée, parce que je n'avais pas d'argent dans mes poches... peu importe. J'arrête, je lui dis que bien sûr je lui payerais un spaghetti. Lorsque je sors mon porte-monnaie, je remarque qu'elle n'est pas aussi bien habillée que je l'avais pensé. Même manteau vert, un peu usagé. Même visage peint, mais d'un maquillage qui serait resté trop longtemps dans un tiroir. Elle est beaucoup plus petite, beaucoup plus mince que l'image que j'ai gardée d'elle. Je lui donne assez d'argent pour payer un spaghetti et un verre de vin. « Merci, merci, merci, » elle n'arrête pas de me le dire. Et tout ce que j'ai envie de faire, c'est de la remercier de ma part.

lundi 5 mars 2007

Au Pavillon d'Aménagement de l'Université de Montréal, effervescence au petit matin, avant le début d'un colloque. Je longe lentement le couloir qui mène aux toilettes en regardant les photos exposées sur les murs représentant tous les doyens du département. Je me rends compte que mon regard s'arrête exclusivement sur les visages de femmes. Aucune n'est entrée en fonction avant 1960.
Dans les toilettes, je distinngue des voix de femmes qui chuchotent. Elles parlent d'une communication à venir qu'elles jugent "dangereuse". Brusquement leurs voix deviennent plus fortes, presque stridentes. Conversation sur l'art de se maquiller . "Ecoute, un peu de blush, vraiment, ça fait paraître très bien. Si tu veux j'ai mon maquillage avec moi, je t'arrange ça".
Je ne peux pas m'empêcher de me demander pourquoi elles parlent plus fort de la couleur d'un fard à paupières que de littérature.

 
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