samedi 10 février 2007

Espace Go, 9 février, pour voir la pièce de Majdi Mouawad, Forêts. Le public a le sentiment d'être privilégié, presque trié sur le volet, parce que les places ont été prises d'assaut depuis longtemps. Un public aisé, content d'être là, intellectuel qui sait se tenir. La pièce est pénible, dramatique, violente, longue. Il faut de l'endurance, mais manifestement on veut nous toucher et nous faire pleurer.
Derrière moi, au moment où l'un des personnages évoque la tuerie de la Polytechnique en 1989, j'entends de petits sanglots qui deviennent de gros sanglots. Comme un immense chagrin qu'on laisse partir quand on est seul, dans sa chambre, sans personne pour entendre. Mais la salle est pleine. Le type pleure de plus en plus fort. Personne ne bouge dans le public, les acteurs n'entendent pas.
Je réalise qu'on peut rire ensemble, pas pleurer. Dans une salle de spectacle les larmes sont silencieuses, on les écrase, on court dans les toilettes quand les lumières se rallument pour se laver le visage. On cache sa peine, comme si on ne pouvait admettre que l'art, quelque fois, fait plus que d'éveiller un sentiment d'empathie, il ranime de vieilles blessures. Il ne s'agit plus de la pitié que l'on éprouve pour son semblable mais de celle que l'on sent encore pour soi.

3 commentaires:

Maïa a dit...

La fin de ta trace m'a donné un grand frisson. Vendredi dernier, j'ai eu honte d'être légèrement agacée par les sanglots de cet homme, mais je n'ai pas pu l'avouer alors. J'ai rejeté cet épisode dans le fond de ma tête. Aujourd'hui, en en lisant ta transcription, je suis véritablement touchée par ce qui s'est passé. C'est pas trop tôt...

Maïa a dit...
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
firenze a dit...

Oui... Moi aussi j'en étais très genée.. Sans savoir si c'était parce que je n'arrivais plus à écouter la pièce, ou bien s'il s'agissait de quelque chose de beaucoup plus profond... Après, j'ai eu honte de pleurer silencieusement dans le noir, comme si les sanglots de l'autre avaient déjà anéanti mes larmes... ou les avaient souillies..

 
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